100 km autour du lac de Serre-Ponçon (Hautes Alpes)

La construction du barrage EDF de Serre-Ponçon et la création du lac artificiel ont constitué une rupture dans l'histoire des bourgs et villages, détruits, ou déplacé (comme seul Savines le Lac) et transformé complètement le paysage et la vie de ses habitants. Les brochures de tourisme relatent largement la beauté de ce coin de France où j'ai plaisir depuis plus de 30 ans, à passer mes vacances, plus précisément aux Orres, magnifique station été-hiver située en balcon, 15 km au-dessus du lac et d'Embrun.

Adepte de cyclotourisme, tant tourisme que sportif, je voudrais vous faire partager le plaisir que j'ai, tous les ans, à faire le tour de ce lac, circuit riche en paysage, curiosités, animations … circuit que j'ai appelé :

100 km autour du lac de Serre-Ponçon

La mise en route est facile : 15 km de descente, direction Embrun. Perché sur son roc, surplombant le Val de Durance, on dit d'Embrun qu'elle est " le petit Nice des Alpes " par son climat méditerranéen. Embrun fut aussi la ville des archevêques et le lieu de rendez-vous des rois de France venus en pèlerinage à la cathédrale Notre-Dame, de nombreux témoignages du passé jalonnent cette ville, célèbre aussi, depuis 25 ans, par son EMBRUN-MAN. Courue par tous les plus grands triathlètes français et mondiaux, cette épreuve, tous les 15 août, rassemble près de 1 000 triathlètes pour : 3 800 m de natation, 185 km à vélo (avec 5 000 m de dénivelé positif dont l'ascension du col de l'Izoard) et 42,195 km de course à pied (distance du marathon)Et c'est depuis le plan d'eau, km 0 qu'ils s'élancent, comme moi, vers la route des Puys, après avoir nagé leurs 3km800 dès 6 heures du matin…(pas moi).

7 km de montée avec des passages entre 10 et 12 % et aux Bouteils, après avoir admiré le lac d'en haut, mais ça sera valable tout le tour du lac, descente rapide vers Savines-le-lac. Aujourd'hui, le nouveau village de Savines-le-lac remplace l'ancien village, sa destruction totale, à la mise en eau du barrage de Serre Ponçon en 1960, ayant entraîné le départ de ses 970 habitants. La chanson " Savines " de Charley Dorelon symbolise à jamais leur tristesse et leur nostalgie.

Traversée du pont (1 km) et direction Le Sauze du lac, avec en aplomb sur la gauche, le pic du Morgon (2327 m) escaladé par de nombreux marcheurs, qui domine de sa majesté cet environnement exceptionnel. Puis, après 2 km de mise en jambes, 9 km de montée se présentent. Au milieu de celle-ci (6 à 8 %) à ne pas rater les " demoiselles coiffées ", phénomène géologique naturel, l'érosion, au fil des siècles ayant sculpté des cheminées de fée, pouvant atteindre 20 m de haut.

Au Sauze du lac, arrêt à l'observatoire pour admirer la jonction des 2 parties du lac, côté Durance et côté Ubaye, et surtout le haut du barrage de Serre Ponçon, dont on parlera plus loin.

Une descente en lacets, rapide nous fera longer un parc animalier appelé aussi, la Montagne aux Marmottes. Parc très agréable à visiter, composé d'animaux de montagne, dans de grands enclos, avec en plus, démonstration de rapaces en vol (aigle royal, vautour…) et de marmottes qu'on peut approcher de près lors de repas où elles viennent presque nous manger dans la main.

Déjà 30 km de parcourus dont 18 de grimpette …Le lac sur notre droite scintille de mille reflets sous un soleil matinal déjà généreux, hoquetant par ci par là, sous le sillage d'un skieur nautique.

Emotion vers le km 35 lorsqu'apparait un cimetière isolé de toute construction.
UBAYE : un panneau nous renseigne ; c'était le nom d'un village de 220 habitants, noyé dès 1960, et seul, le cimetière, déplacé de 300 m a survécu. Son activité d'alors : 1 hôtel -
3 épiceries - 2 merceries - 4 cafés - 1 colporteur - 1 boulanger - 1 maçon - 1 bourrelier -
1 cordonnier - 1 institutrice - 15 élèves - 1 postier - 1 agent EDF - 2 cantonniers -
1 garde forestier - 2 casseurs de pierre - 2 cultivateurs et éleveurs - 1 berger communal -
1 prêtre …
Tous les 27 juillet à l'occasion de la fête de Ste Madeleine (sainte patronne) et à Toussaint, les anciens se réunissent se remémorant le passé et leur nostalgie. Le nom de ce village est resté associé à la commune voisine de : Le Lauzet, devenant ainsi LE LAUZET-UBAYE.

Mais il faut repartir, traverser l'Ubaye, route en légère montée sur 4 km et à la bifurcation de la route de Lauzet-Ubaye-Barcelonette , tout à droite vers le col St Jean. Montée à 6 % de moyenne sur 5 km et un nouveau belvédère… On laisse le col St Jean sur la gauche, avec toujours ce lac à nos pieds, on ne se lasse pas devant un tel paysage, et on plonge dans une descente longue et rapide, vers La Bréole, située vers les 50ème km. C'est un magnifique village où l'artisanat est roi, avec son musée et ses activités comme : fromagerie, savonnerie,
travail du bois et du cuir, sculpture, poterie… rappelant les temps où le travail manuel, l'adresse et le bon sens étaient de réelles richesses.

Je ne suis qu'à mi-parcours, il fait chaud… d'ailleurs, il fait toujours chaud, l'organisme récupère d'autant plus que 7 km de descente ou faux plats descendants, se présentent. Ce n'est pas bon signe, il faudra bien remonter…

Espinasses, je traverse le canal latéral et la Durance, et tout à droite : barrage à 5 km. Pour l'instant c'est plat, je longe sur 2 km le bassin de compensation du barrage dont le but est de se remplir lorsque le lac dépasse sa cote d'alerte. Je suis au pied extérieur du barrage et 3 km à 8 % plus loin, ouf ! L'observatoire, où je m'arrête, permet d'embrasser de gauche à droite le lac, le barrage, l'usine EDF. Ce barrage du nom du lieu : Serre-Ponçon, fut construit à la fin des années 50, d'après un projet très ancien de l'ingénieur Wilhem (1895). Ce projet répondait à 3 objectifs :
1) Régulation du débit de la Durance après de nombreuses crues dévastatrices.
2) Irrigation du bas pays provençal grâce au canal latéral construit, et alimentation en eau de la ville de Marseille.
3) Production d'électricité.

Une heureuse conséquence de cet aménagement est le tourisme qui va considérablement changer le mode de vie de cette région.
Il est le plus grand barrage d'Europe construit en terre : 125 m de haut,
650 m d'épaisseur à la base, 600 m de large, 3 000 ha, 1,2 milliard de m3 de volume d'eau, production électrique : 4 générateurs de 80 000 kw.

Retour sur le vélo et après une légère descente, 5 km de montée entre 6 et 8 %, avec le passage dans le tunnel long de 400 m, et enfin le col Lebraut à 1 110 m : 7 km de descente jusqu'à Chorges, cité caturige. Caturiges est le nom donné à ses habitants, nom tiré d'une peuplade celte, 400 ans av. J.C., s'inspirant du latin caturigomagus (marchés des rois de la guerre). Il n'y aura plus de grosses difficultés.

Maintenant, après tous ces efforts, il n'y a plus qu'à se laisser aller, vent dans le dos, sur les 10 km de la route longeant le lac, jusqu'à Savines, non sans avoir remarqué la chapelle St Michel, remarquablement préservée,sur un ilôt du lac.

Nouveau passage sur le pont et direction Embrun à 8 km. Passage à proximité de l'abbaye cystercienne de Boscodon, édifice superbement restauré et qui est d'ailleurs un des 6 B.P.F. * du département.


Et c'est le retour à Embrun, le compteur du vélo tutoie les 100 km, il fait toujours très chaud, les estivants se pressent au bord du plan d'eau, les muscles sont un peu endoloris…
qu'il est bon ce plongeon dans cette eau claire et rafraîchissante de la Durance.

Jeannot

* B.P.F: Brevet des Provinces Françaises : il s'agit de 6 sites remarquables dans chaque département français, que tout cyclotouriste passionné doit atteindre à vélo, se devant ainsi d'y faire tamponner sa carte de route.

Après " l'Alpe d'Huez " en 2006, Jeannot nous raconte sa nouvelle aventure...