Diagonale Brest - Strasbourg

du 8 au 11 juin 2010

homologation n° 10126

BREST / STRASBOURG

Compte rendu rédigé par Vincelette et Max AUDOUIN

Trois heures du matin, le réveil sonne et je vais écarter le rideau de notre chambre à l'hôtel Kerlig. La pluie violente brille dans la lumière des réverbères. Qu'est-ce que je fais ici ?
Je connais la réponse : hier, il nous a fallu dix heures de voyage dans quatre trains pour aller de Creil à Brest. Merci à la SNCF qui n'aime pas les tandems, surtout vers la Bretagne ! Maintenant nous sommes à pied d'œuvre, alors debout ! Vite habillés, nous prenons le petit-déjeuner sur plateau dans la chambre. Puis nous équipons le tandem qui a dormi dans la chambre voisine et partons pour le commissariat proche. Tiens, il ne pleut plus.
Coups de tampon sur les carnets et quelques mots avec le policier de garde. Il nous conseille d'éviter la rue Jean Jaurès en travaux et de passer par la rue Yves Collet, parallèle plus tranquille.

Mardi 8 juin 2010 : de Brest à Fougères. Traversée Ouest-Est de la Bretagne : Finistère, Côtes d'Armor, Morbihan, Ille et Villaine

Il est à peine plus de 4h quand nous démarrons sur les routes bien mouillées : Brest, Guipavas, Landerneau … " Tiens, voilà le pont où nous nous étions abrités lors du séjour-club de 2006 à Trégarvan " " tu n'aurais pas dû en parler, cela fait revenir la pluie ! " Elle ne nous quittera que pour redoubler jusqu'à 11h . Heureusement, le vent nous est favorable.
Sizun (et la carte postale de départ), Roc Trévézel, Carhaix… Nos souvenirs se bousculent sur cet itinéraire de Paris-Brest-Paris et de Diagonales…
Premier contrôle à la boulangerie de Corlaix, km 125 ; l'église nous offrira l'abri pour terminer notre casse-croûte !
J'admire la minutieuse préparation du parcours par Max : il ne lui faudra pas 200m pour s'apercevoir que nous avons dépassé notre changement de route. Rien n'indique la direction, mais c'est là !
Aïe, crac ! sans même que nous ne nous soyons mis en danseuse, un premier rayon casse à l'arrière… 3 km avant notre deuxième contrôle à St Méen le Grand, km 210 ; il est 15h30. Chance, il y a un vélociste ! et quel vélociste : Bernard Hinault ; pas lui-même mais son équipe ! une boutique, généreusement installée dans un ancien supermarché, avec un accueil à la hauteur de l'achalandage… Fouet à chaîne et clef à rayons nous permettent de vite repartir, mais nous venons d'entamer notre stock de rayons de rechange ! Le compte à rebours est commencé : j'ai mis six rayons dans la sacoche.
La cyclotte qui se ravitaille juste avant nous à la boulangerie nous avoue ses 80 printemps !!!
Mais le temps passe pour tout le monde : dans la grand-rue de Bécherel, je montre à Vince l'hôtel du Commerce où notre équipe de cinq avait passé la dernière nuit d'un SB 2007 homérique. Il est fermé, à vendre. La fin d'une époque où l'on était accueillis comme par sa grand-mère.

302,5 km à 21,6 avec 3030 m de dénivelé, il est 20h20 quand nous arrivons à l'hôtel le Flaubert. Nos hôtes sont heureux et fiers d'avoir réussi à régler la TV pour notre arrivée, ce jour du passage -non sans mal- au numérique … Déception, nous ne prenons même pas la télécommande ! Ils nous indiquent tout près un resto routier qui nous convient bien et ils se lèveront en plus à 4h pour nous servir le petit-déjeuner !

Mercredi 9 juin : de Fougères à Méréville dans l'Essonne (sud d'Etampes), nous traversons horizontalement les Pays de la Loire et la moitié du Centre, après avoir écorné la Basse-Normandie : Mayenne, Sarthe, Orne, Eure et Loir, pour arriver en Ile de France.

Partis à 4h40, nous arrivons à Villaines la Juhel vers 9h. Le vent a tourné et nous prend presque de face ; il nous rappelle notre chute à Loup Fougères dans le PBP 2007, quand la fatigue, à 5 km de l'étape, la pluie, la nuit, les ombres des arbres secoués par le vent, les feux rouges follets des autres cyclos nous ont empêchés de discerner le ressaut de pavés au milieu de la route, masqué par la ligne blanche …
St Paul le Gaultier nous fait échapper aux Alpes Mancelles mais les collines du Perche ne sont pas loin … A Fresnay sur Sarthe, à 10h05, quatrième contrôle au km 404, nous avons déjà quelques belles côtes dans les jambes ! 25 km de ligne droite, mais pas plate, pour Mamers puis un beau toboggan à bosses nous amènent jusqu'à Bellème et Nogent le Rotrou.
Le bocage est vert et paisible comme ses beaux troupeaux blancs.
Lorsque le compteur du jour marque 160 km, le dénivelé est de 1600 m et il reste encore plus de 120 km. Ils seront plats déjà à Illiers-Combray, cinquième contrôle, où nous ravitaillons à 16h30.
La pluie revient vers 17 h pour ne plus nous quitter, avec le vent de face, jusqu'au soir.
Les points de contact avec les selles deviennent bien douloureux. Dans la platitude de la Beauce nous nous soulevons tous les 2 km pour les soulager !!! Voilà une nouvelle page dans mon école de la patience. Je suis un élève qui progresse …
Un peu de relief au milieu des champs de blé pour aller chercher notre très agréable chambre d'hôte à Méréville dans la vallée de la Juine. Il est déjà 20h50, le dîner nous attend, mais notre état de dégoulinage impose d'autres priorités… et nous nous coucherons tard.
A 283 km (à 20,5 avec 2392 m dénivelé), nous sommes à 585,5 km sur les 574,5 prévus.

Jeudi 10 juin De l'Ile de France par le Centre à la Champagne-Ardenne : Essonne, Loiret, Seine et Marne, Aube, Marne et Haute-Marne.

A 4h30, nos hôtes nous laissent devant un copieux petit déjeuner … et nous partons à 5h10. Le jour gris se lève sur la plaine plate, plate. Le démarrage semble n'en pas finir. Sandwich, quiches et brioche ne nous font pas peur à 7h15 sur le pont de l'Essonne au 6ème contrôle à la boulangerie de La Chapelle la Reine, km 612. Le paysage est plus varié lorsque nous longeons la forêt de Fontainebleau puis les vallées du Loing, de la Seine, de l'Aube côté nord. Mais le crachin est tenace comme le vent dans le nez.
Je suis assez fier de ma conduite dans la traversée de Montereau-Fault-Yonne et m'en complimente alors qu'il y a deux ans nous y avions lamentablement merdouillé dans DP 2008.
Au café de la Mairie à Anglure, il est 13h55 lors de notre 7ème contrôle. Deux consommateurs et la patronne nous confirment l'impression de vide de la campagne " il n'y a plus qu'un ouvrier agricole pour deux immenses fermes, avec leur moissonneuse qui occupe la moitié du champ ! " En effet, de magnifiques fermes bordent de leurs grilles les rues des villages mais, autour d'une belle cour, leurs bâtiments, trois corps en colombages et torchis, avec habitation perpendiculaire à la rue, écurie, porcherie, au fond et remise à droite tombent en ruine. Les champs, aux belles courbes, sont opulents et variés ; nous ne verrons que deux groupes de grands hangars métalliques en pleine nature pour nous indiquer les exploitants actuels.
Nous sommes au 135ème km du jour et cette halte me permet de changer entre autres mes socquettes trempées… Les derrières, les poignets de Max, un de mes genoux sont douloureux, d'autant que nous sommes toujours interdits de danseuse par au moins deux nouveaux bris de rayons.
Je joue de la clef pour détendre les rayons opposés, mais le mou dans la roue arrière se fait sentir dans la direction.
Arrivée à Chevillon à 20h45 au Moulin Rouge au bord de la Marne. Nous tirons expérience de la veille et dînons aussitôt après avoir mis nos pieds et dos au sec.
L'aubergiste que nous avions prévenu de notre arrivée tardive nous soigne avec sa copieuse entrée où les crudités se mêlent à une fine préparation locale de museau, son andouillette bien grillée, haricots verts et pommes de terre sautées -qui nous remercient de ne pas les avoir fait plus attendre-, trois fromages fins locaux à déguster selon l'ordre indiqué et un grand bol de cerises cueillies de la soirée. Pas de petit-déjeuner demain matin, mais un sac de cerises à emporter !

Nous avons roulé 12h52 pour 257 km à 19,9 et un dénivelé de 1180 m et arrivons à 842,5 km sur les 826 prévus. L'accumulation de la fatigue est chiffrée là.

Vendredi 11 juin Restent 235 km à travers la Lorraine et l'Alsace jusqu'à Strasbourg : Meuse, Meurthe et Moselle, Vosges et Bas-Rhin.

D'un commun accord, nous avons laissé le réveil sur les 4h habituelles pour pallier les imprévus mettant en péril notre délai.
En nous préparant, nous agrémentons de cerises nos réserves de pain et fromage pour petit-déjeuner avec le thé d'un sachet dans l'eau bien chaude du robinet.

Le jour ne tarde pas à se lever car le ciel est clair ce matin à 4h50. Le vent est moins gênant du coup. De belles côtes encore mais aussi de belles maisons en briques blondes flammées et pierre blanche. Un appel d'Alain Schauber, sariste régional, nous réjouit : il est parti à 7h30 de Saverne à notre rencontre, avec Pierre Obergfell, son coéquipier de prochaine diagonale.
Mais après trois jours de pluie, la chaîne ne supporte pas le régime sec et bien que je l'ai huilée dans une station-service, un maillon fait point dur puis casse d'un coup. Comme nous sommes sur le plat, le tandem n'est pas déséquilibré et c'est parti pour le jeu du dérive-chaîne.
Il est déjà presque 13h, après le bris de chaîne et d'un autre rayon, quand nous arrivons à Bayon, notre dernier contrôle. La roue arrière est bien voilée malgré les réajustements.
Alain au téléphone nous a signalé la possibilité de nous arrêter, si on veut, chez le cyclo-vélociste de Raon l'Etape ; il nous reste 110 km quand notre rencontre, bien encourageante, se fait à Magnières. Et le soleil est enfin là!
Prévenu par Alain, le vélociste s'occupe de nous dès notre arrivée à Raon. A 15h15, 4 des 5 derniers rayons de notre réserve sont en place et nous pouvons reprendre la route avec plus d'assurance. Il nous reste 85,5 km, le temps est compté.
Nos saristes nous conseillent de passer par le col du Hantz plus au sud, un peu plus long mais moins dur que le Donon.
Schirmeck accueille notre carte postale d'arrivée sans avoir besoin de chercher la boîte à lettres !
La circulation devient dense et nous apprécions nos éclaireurs le long de cette belle vallée de la Bruche, riche d'histoire industrielle contée par bribes par Pierre l'Alsacien !
C'est lui qui nous guide par les voies vertes dans Strasbourg pour éviter la circulation et enfin arriver au commissariat à 19h25 !
Ces pistes le long des voies d'eau sont très agréables, mais en tandem on est parfois obligé de mettre pied à terre pour tourner à angle aigü.
Ouf ! Photos, vifs remerciements et au revoir rapide car ils doivent rentrer à Saverne. Nous leur souhaitons une bonne diagonale ! Nous ne nous inquiétons pas pour eux, mais elle n'est jamais gagnée tant que le dernier tampon n'est pas apposé !!!

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Concrètement, nos affaires pour 4 jours tenaient dans la sacoche de guidon et une sacoche arrière avec petites joues. Compte tenu de nos arrivées tardives, nous avons apprécié de dîner aussitôt avant de nous doucher et de laver le linge mouillé.
Nous n'avions pas de change cyclo, et nous n'avons utilisé qu'une fois les habits " civils " qui restaient dans les sacoches, sauf socquettes, mais 2 maillots, le plus léger et celui à manches longues, plus coupe-vent et imperméable. Sous gants, jambières ou collant de gym, que nous avons mis tous les jours : mieux vaut être dans son jus, chaud, sous la pluie !
Aux étapes, nous nous arrangions pour mettre toujours en réserve du pain ou des viennoiseries, des fruits pour franchir la suivante, car il est arrivé qu'on ne trouve rien selon les heures et les lieux.
Ma poche arrière droite, aussi, est essentielle et, sans être payée pour la pub ( !), nous avons bien utilisé nos comprimés homéopathiques sous blister, contre l'estomac qui boude (Gastrocynésine), les crampes et courbatures (Homéofortil alternant avec Sporténine). Ils ont changé notre vie de cyclo au long court … et je ne pars jamais sans ma " Pommade au calendula " contre les frottements au siège !

Une Diagonale, c'est comme un accouchement … On doit bien s'y préparer et, heureusement, la joie du résultat fait oublier toutes les misères !
En plus, il faut la passion chevillée au corps pour consacrer autant d'heures de préparation non seulement sur le vélo, mais, ce qu'à fait Max, sur le matériel et les cartes… non seulement des routes mais aussi des villes et villages, pour ne perdre aucun moment précieux : pas de temps ni d'énergie pour l'improvisation.
Je lui dois encore un grand merci ! No comment