Diagonale Menton - Brest

du 24 au 28 juillet 2009

homologation n° 09241

NOM ET PRENOM DU PARTICIPANT :

Compte rendu rédigé par Max AUDOUIN

De retour de ma " triplette " DM MH HS réalisée du 20 juin au 4 juillet, il me reste quatre semaines avant la Semaine Fédérale de Saint Omer. Court, mais pas impossible d'y caser le dernier des retours qui manque à mon palmarès de diagonaliste: Menton - Brest. Dans son étude d'itinéraire que l'on trouve sur le site des Diagonales de France, Gilbert Jaccon la baptise " la Diagonale Royale " et remarque que les deux sens ne sont pas équivalents à cause des vents d'ouest généralement dominants. C'est pourquoi il conclut :
Manifestement Menton-Brest est une Diagonale qui fait peur et les audacieux sont tous des candidats au Super Palmarès.
Bien vu l'artiste ! c'est justement mon cas, mais ayant effectué les autres en vingt cinq ans, le plus souvent avec mes copains habituels, je n'ai jamais repoussé l'idée de faire MB … ou alors inconsciemment ?
Bref, le moment est venu et j'obtiens par mail le feu vert de nos Délégués Fédéraux. Dans la journée du 8 le parcours est décrit, découpé, les hôtels et les trains réservés. Le plus dur est fait et je peux partir l'esprit libre à une " cousinade " en Bretagne pour le long week-end du 14 juillet. Nous profitons du voyage pour aller faire une virée BPF de trois jours en tandem. A notre retour, l'enveloppe de Vireux-Wallerand m'attend dans la boîte.

MENTON - DIE (307,5 km) 24 juillet 2009

La seule manière de se rendre en train de Paris à Menton avec une randonneuse non démontable consiste à prendre le Corail Lunea qui part à 22h25 de la gare d'Austerlitz. Après une nuit sur la couchette, le début de la matinée se passe nez à la fenêtre à regarder défiler la mer bleue et la côte déjà écrasée de soleil. Je finis par débarquer à 10h10.
Comme j'ai prévu de démarrer à 3h le lendemain matin, il me faut meubler la matinée car je ne peux disposer de ma chambre au Claridge's Hôtel qu'à 14h. J'ai eu le temps dans le train de préparer un petit programme : monter à la Turbie pour voir si le Trophée des Alpes et la Poste n'ont pas changé de place depuis le mois dernier, aller cueillir les cols de Guerre et de l'Arme et rentrer sur Menton par la vallée du Gorbio. Et voilà 50km bien en douceur pour éliminer les fatigues du voyage et tourner les jambes. A l'hôtel, après une douche et une sieste, je décide d'aller faire un petit tour en ville jusqu'au commissariat pour m'y assurer que je ne trouverai pas porte close si tôt le lendemain. Bien m'en prend. Le policier présent, qui connaît la procédure du carnet de route, me dit :

  • impossible cette nuit! nous avons une grosse opération programmée et vous vous ferez virer.
  • que faire ?
  • venez avant 19h, je remplis le carnet et vous vous engagez à respecter votre heure de départ.

Comme convenu, je reviens faire viser mon carnet avant d'aller dîner. Rentré à l'hôtel, je m'assure auprès du patron, un ancien PBP, que le veilleur de nuit sera bien là et pourra m'ouvrir la porte à 3h.
A l'heure dite je suis en bas, le veilleur m'ouvre et me souhaite bon courage. Je peux y aller les yeux fermés, mais ma reconnaissance de la veille n'a servi à rien car à Roquebrune-Cap-Martin une déviation est en place pour éviter la rue principale qui se fait goudronner de nuit. Je file tout droit et passe sur le trottoir dans la fumée du goudron chaud qui aura du mal à refroidir : il fait déjà plus de 20° et je monte à la Turbie en manches courtes. Ça promet!
Carte postée, je rejoins la vallée du Var par la Trinité, Tourrette-Levens et Aspremont. Les 400 premiers kilomètres jusqu'à Tournon-sur-Rhône sont exactement l'inverse du final de notre DM du mois dernier. Qui inventera le copier-coller inversé ? avec option vent inversé -s'il vous plait- car, quand le Var tourne vers l'ouest après le défilé du Chaudan, je reçois le vent de face pour la journée. Premier contrôle à Saint André les Alpes avec une demi-heure de retard et il me faut alimenter la chaudière, la journée sera longue.
Vers Touët-sur-Var, je vois arriver en face deux gars équipés et ai juste le temps de viser leurs plaques BM. Emportés par la descente et le vent arrière, ils ne répondent pas à mon salut. Sans doute l'euphorie à moins de cent bornes de l'arrivée.

Je m'applique à rouler mains en bas et à Sisteron, deuxième contrôle, je suis rentré dans ma prévision mais j'ai bien peiné dans les cols de Toutes Aures et des Robines. D'autant que Phœbus me cuit à grand feu de ses rayons. Voilà moins d'une demi-heure depuis mon départ de Sisteron et je dois m'arrêter à l'ombre un moment. Je me traîne ensuite jusqu'à Laragne-Montéglin où je me mets à l'abri dans le premier bistrot, range mon vélo, bois un coup et demande si je peux faire la pose dans un coin. J'ai réglé mon réveil sur 16h et plonge un quart d'heure. Je repars les jambes molles et mon vélo se met à l'unisson en mollissant de l'avant. M… j'ai crevé ! Je me cache dans l'ombre d'un mur et m'assieds pour réparer. J'enlève une belle épine du pneu et dans la minute suivante évacue prestement les sandwichs mayo avalés à Sisteron. C'est beau l'harmonie homme-machine ! enfin presque, parce que si la nouvelle chambre est bien gonflée, moi j'ai les jambes molles jusqu'au soir. J'ai maintenant une heure de retard et je monte le col de Cabre tout doux. Aidé par le soleil qui descend comme la route jusqu'à Die, je maintiens le retard et me présente à l'hôtel des Alpes à 21h05. Mon altimètre indique 3726m pour la journée, un vrai petit brevet montagnard. Comme l'estomac est encore patraque, je commande juste une grande bouteille d'eau à bulles et monte directement à la chambre. Demain est un autre jour.

DIE - VICHY (291,5 km) 25 juillet 2009

Levé à 3h30, c'est reparti le long de la Drôme jusqu'à Crest que je traverse. A la sortie, j'appuie à droite en direction de Valence. A Montoison, la boulangerie est ouverte et il y a même un coin grignotage avec quelques tables. Le patron me sert un grand café dans lequel je plonge viennoiseries et part de pizza. En même temps, nous parlons vélo car Christian Brunel est le président du Montoison Cyclo, club créé en 2007. J'acquiesce quand il me demande si je reçois la revue de l'Amicale des Diagonalistes, mais je ne me souviens pas de l'article où un diagonaliste, déjeunant comme moi, son vélo garé contre la vitrine comme le mien, se l'est fait prestement voler l'an dernier. Du coup, malgré la chaleur de l'accueil, j'accélère et reprends la route sans traîner.

Par Etoile et Charmes-sur-Rhône, je franchis le fleuve. Tout de suite je sens que le mistral est là et bien là ! je sais qu'il va me faire mal jusqu'à Andance où je quitte la vallée. Ça monte maintenant, mais le vent est moins dur. Me voici à Bourg-Argental à 12h20 pour mon quatrième contrôle avec une heure de retard sur mon plan de route. Nourri et le carnet tamponné, j'ai plaisir à monter dans la fraîcheur des ombrages ce col du Grand Bois où Vélocio conviait ses amis. Je ne m'arrête pas à son monument mais bien avant, lorsque me fait signe un homme qui m'a doublé en voiture et s'est garé au premier emplacement. C'est François Schenck, SARiste de Saintes, qui rentre de vacances mais n'hésite pas à porter ses encouragements en tout lieu. Je les lui fais mettre par écrit sur mon carnet et nous nous souhaitons une bonne continuation.
Pour moi c'est du tout bon car la descente est belle vers Saint-Etienne. J'en ai préparé le contournement ouest sur Google Maps et je sais que je dois quitter la route du centre-ville à hauteur de l'agence de la Société Générale. Je suis ensuite ma liste des rues et le petit plan que j'ai imprimés. Tout se passe bien car à Saint-Etienne les noms des rues sont bien visibles et il y a de nombreuses pistes bien matérialisées pour les vélos. Deux surprises quand même : la chaussée est en très mauvais état dans la descente qui longe la D201 et quand elle s'en écarte après une épingle à cheveu, c'est une rampe à trois chevrons qui permet de tester la rapidité du pilote dans le maniement des vitesses. Tout n'est pas encore prévisible sur ordinateur et la diagonale " en vrai ", c'est autre chose !
Par Montbrison et Boën, j'avance vers Vichy. J'ai hâte de quitter après Saint-Thurin la N89 bien encombrée. La montée vers le col du Beau Louis est plus tranquille et facile de ce côté. Puis 30 km en descente à la fraîche m'amènent à 21h15 à Vichy. Vite douché, je vais dîner dans une brasserie voisine, paie ma chambre, fais tamponner mon carnet et m'assure que le plateau de petit-déjeuner est dans ma chambre. L'altimètre affiche une dénivellation cumulée de 2969 m pour cette belle journée.

VICHY - TARGE (274 km) 26 juillet 2009

Ce soir, je couche avant Châtellerault, à Targé, chez Guy et Pierrette Guilloteau. Je les ai connus en 2006 lors d'un Hendaye-Dunkerque où ils avaient guidé notre équipe dans la traversée de Châtellerault. De plus, Pierrette avait prêté son porte-bagages arrière au copain Pierrot victime d'un bris de fixation du sien. Vous en avez suivi la version imagée sur le site de l'Amicale à l'époque.
Il s'agit donc de limiter les arrêts pour ne pas faire attendre les amis. Je pars à 4h45, estomac rempli, mais manque un peu d'attention, puisque avant Saint-Pourçain-sur-Sioule je loupe un petit raccourci que j'avais programmé: un kilomètre de rab. Ensuite, pour aller au Montet, ça monte, vous l'aviez deviné, mais les routes sont tranquilles. J'ai vraiment quitté les contreforts du Massif Central et entre dans la deuxième moitié de mon parcours. Je pointe en avance à Châteaumeillant où je mange et bois beaucoup car le vent d'ouest, bien chaud, me déshydrate.
Par la Châtre, je rejoins la vallée de la Creuse à Argenton et suis la rive droite sur la N151 jusqu'au Blanc où j'avais fait étape avec Roger et Jean-François en juillet 1986 lors d'un Dunkerque-Hendaye. Pas d'arrêt aujourd'hui; je suis la Creuse jusqu'à La Roche-Posay. Peu avant d'y arriver, mon téléphone sonne.

C'est Guy qui me prévient qu'il m'attend au rond-point en sortie de la ville. Je l'y rejoins bientôt et lui dis le plaisir que j'ai eu à franchir le col des Sarrazins, 94 m, auquel je ne m'attendais pas. Nous faisons route jusqu'à Targé où nous attend Pierrette, l'appareil photo en main. Me voici reçu comme un prince.
Pierrette me confisque mes habits, Guy répare la chambre à air percée le premier jour et, une fois propre et douché, je passe à table pour partager avec eux l'agréable repas que Pierrette a préparé. Nous avons bien parlé …vélo et je réalise qu'il est déjà 22h30. Vite, au lit.

TARGE - REDON (259,5 km) 27 juillet 2009

Ce matin, départ à 5h00, seulement. Mais avant, j'ai retrouvé tous mes habits propres et pliés et fait avec Guy et Pierrette un solide petit-déjeuner. Avant de partir, Pierrette me donne un paquet de sablés que je savourerai toute la journée.

Bien reposé, bien nourri et habillé, c'était le paradis pour un diagonaliste. Guy me conduit jusqu'à Châtellerault et m'indique la boîte aux lettres où je poste à 5h20 une carte que j'avais préparée, car rien n'est ouvert à cette heure. Me faisant éviter des travaux, il me quitte sur la route de Thuré. Me voici, moral au beau fixe, pour affronter encore une journée de vent d'ouest. Mais cette fois, ce sont les nuages qu'il apporte et, comme il fait très lourd, ça tourne vite à l'orage. En sortant de Nueil-sur-Layon, je perce de l'avant, m'abrite sous un auvent de station-service pour réparer. Ne trouvant pas le trou dans la chambre, je demande au garagiste s'il n'a pas un baquet d'eau. Il m'indique le récipient sous la gouttière et c'est vrai que de l'eau, il y en a! Voici le trou repéré, il y a en a aussi un sur le pneu qui n'en est pourtant qu'à sa quatrième diagonale depuis le 20 juin. Au toucher, rien de suspect. Je monte une nouvelle chambre et repars; pas longtemps, car me revoici à plat après deux kilomètres. Je démonte et vois que le trou est à la même place. En pliant bien le pneu, j'y vois un morceau de verre assez petit pour que je ne l'aie pas senti dans l'épaisseur mais suffisant pour faire son office. Comme il ne pleut plus, je décide d'une séance colle et rustines pour réparer les deux chambres et coller une pièce à l'intérieur du pneu. Du coup, je contrôle et déjeune à Vihiers avec plus d'une heure de retard.
L'après-midi est bien ensoleillée, dommage que le vent soit toujours d'ouest. Je franchis la Loire à Champtonceaux puis, après Nort-sur-Erdre, suis de plus ou moins loin le canal de Nantes à Brest jusqu'à Blain, lieu de mon neuvième contrôle. A 18h je téléphone à l'hôtelier de Redon qui m'avait demandé de lui confirmer ma réservation. Il m'indique que la réception est fermée à 21h. J'arrive à Blain à 19h, bois un coup et contrôle en moins de cinq minutes. Me voici sous pression! Il ne faut pas le moindre pépin et je ne pense qu'à prendre de l'avance pour le cas où je percerais. Je fais cette dernière étape les mains toujours en bas et trouve le vent bien dur. Par tranches de cinq kilomètres, je regarde l'heure et m'applique à gagner des minutes. A Redon, je sors mon plan et trouve facilement l'hôtel. Il est 20h30 et je n'ai donc pas augmenté mon retard depuis Vihiers, je ne l'ai pas diminué non plus.

REDON - BREST (246 km) 28 juillet 2009

J'avais prévu de partir à 6h seulement car le délai court jusqu'à 23h et j'ai bien profité de cette nuit plus longue. D'ailleurs je suis réveillé plus tôt et pars à 5h45. De plus il fait quasiment jour et je n'ai pas fixé ma frontale sur le casque hier soir. Après avoir pris le petit-déjeuner au Roc Saint André, contourné Josselin, je pointe à Pontivy, lieu de mon dernier contrôle. J'y déjeune tranquillement dans un jardin public bien fleuri; une heure d'arrêt pour un dernier contrôle, ça se savoure !
Me voici depuis un moment dans la Bretagne profonde où les odeurs des élevages nuisent à la beauté des paysages. A noter que de Silfiac à Rostrenen la D764 a été rebaptisée D31 ce qui ne figure pas sur les cartes Michelin, ni sur les sites ViaMichelin ou Google Maps. Je m'y suis fait piéger et ai eu droit à un aller-retour de 9 km avant de réaliser que je faisais fausse route en cherchant une D764 qui a changé de nom. Après Rostrenen, je fais le détour par Maël-Carhaix comme dans PBP depuis que la N164 est à quatre voies. Jusqu'en haut du Roc Trévezel je bénéficie d'un petit vent arrière mais, arrivé au sommet, c'est l'inverse et je prends l'air du large pleine face. En pédalant couché dans la descente, je suis à 24 km/h … une misère.

A Sizun, je poste ma carte postale d'arrivée, me fais photographier devant l'enclos paroissial, m'offre une part de kouing amann et une boisson sucrée. La recharge est faite pour terminer. A Daoulas, je passe par la vieille rue de l'église aux maisons magnifiquement éclairées par le soleil descendant, puis je longe la quatre voies qui, par Loperhet, me conduit jusqu'au pont Albert Louppe. Il est désert à cette heure exceptée une rolleuse (?) qui vient en face. La fin par Moulin Blanc et le port de commerce est bien connue. Il suffit de croiser convenablement les nombreuses voies ferrées, mais j'ai déjà testé il y a quelques années.
En haut de la rampe qui mène à la ville haute, un car de police s'arrête au feu à ma hauteur. Vitres baissées, j'entends que le passager dit au collègue que " c'en est un " et me propose de les suivre jusqu'au commissariat distant de 500 m. Je leur fais ce plaisir et, une fois garés, leur explique comment on peut transporter tout le nécessaire pour être autonome sur plusieurs jours. Assez discuté, il est temps de pointer. Je remercie l'agent de permanence qui connaît la routine et salue ses collègues en civil qui entrent pour prendre leur service. La roue tourne.

diagonale en images