Diagonale Strasbourg - Perpignan

23 au 26 août 2008

Max Audouin en solo

Compte rendu rédigé par Max

Le prologue du livre " Diagonalement Vôtre " de Paul Fabre commence par :
" Toutes les Diagonales se ressemblent…
" Mais elles n'ont rien de commun entre elles.

Les trois que j'ai réalisées cette année ont en commun leur point d'arrivée, Perpignan, mais diffèrent par leurs départs et la composition des équipes :

  • du 8 au 12 juin, Vincelette et moi avons accompli Dunkerque - Perpignan en tandem
  • du 23 au 26 juin, c'était Brest - Perpignan avec les équipiers de longue date, Roger et Ghislaine Devulder en tandem et Pierre Dorne à vélo
  • du 23 au 26 août, me voici en solo pour la première fois.

C'est l'hiver dernier que, à la réunion de l'Amicale des diagonalistes, un camarade s'était étonné qu'en douze Diagonales je n'en ai réalisé aucune seul : " tu verras, c'est différent ". La remarque me trottait dans la tête, confortée par le seul regret que j'aie retenu de Paul Fabre au bilan de son cycle : n'en avoir fait aucune seul.

De retour à la maison le mardi 29 juillet, après un voyage itinérant de trois semaines en Italie et Suisse avec Vincelette, il me reste peu de temps pour choisir laquelle, tracer le parcours, remplir ma feuille de route et envoyer mon dossier d'inscription avant de partir le samedi pour la Semaine Fédérale.
Arriver encore à Perpignan va me permettre de valider le " jamais deux sans trois ! " et de refaire par un copier-coller la même fin de parcours depuis Béziers que lors de notre Dunkerque - Perpignan. Il ne me reste qu'à aller en gare de Creil pour réserver mon aller en TGV Paris - Strasbourg le samedi 23 août matin et le retour en couchette de Perpignan le mardi 26 au soir.
Tout est préparé et envoyé avant de partir pour Saumur, mais c'est au retour à la maison le 18 août qu'en prenant le courrier dans la boîte aux lettres, le carnet de route si vite préparé par Marc Hehn et les billets de trains me mettent vraiment en situation.

STRASBOURG - CERNAY (116 km) 23 août 2008

J'arrive à 12h46 en gare de Strasbourg après avoir voyagé seul avec ma randonneuse dans le compartiment du TGV spécialement aménagé. Le vélo est immobilisé par des sangles rétractables ; très pratique.
Au commissariat, je tends mon carnet de route en précisant que je pars à 14h comme prévu sur ma feuille de route, mais la préposée me dit " comme vous voulez " et écrit 1'heure qu'il est : 13h30. On ne badine pas ! Puisque c'est comme ça, j'y vais !

Après un kilomètre, le doute me turlupine : et si Jocelyne Hinzelin, SARiste locale, venait me souhaiter un bon départ ? je téléphone à Bernard Lescudé, le président de notre Amicale, qui se mouille avec un " tu fais comme tu le sens… " et me voici de retour devant le commissariat. A 14h, je reprends le départ encore seul mais l'esprit tranquille ; bien fait pour moi, je n'avais qu'à emporter la liste des SARistes avec leur numéro de téléphone.
Je pars par l'avenue de Colmar qui se transforme ensuite en route du Rhin. A un rond-point, un cyclo m'indique qu'en passant par dessus le canal du Rhône au Rhin on peut prendre la piste cyclable qui le longe sur 30 km. C'est ce que nous faisons ensemble, prenons les averses ensemble et sommes secoués ensemble lorsque les racines de platanes soulèvent le revêtement. Je réponds à ses questions sur ma randonnée et Philippe, chauffeur routier en fin de congé, m'explique l'évolution du métier.
A Rhinau, je poste ma carte de départ et il fait demi-tour. Poursuivant le long du Rhin, j'aperçois par moments dans les nuages la route des crêtes et le Grand Ballon qui me rappellent les BCMF des Vosges bien arrosés. Souvenirs aussi de la Semaine Fédérale de Rouffach, en traversant Neuf-Brisach enchâssée dans ses fortifications de Vauban.
Arrivé à Cernay à 19h16, je suis seul à l'hôtel Belle-Vue mais en surnombre à la pizzeria voisine. Attention, en Alsace comme outre-Rhin, le service commence tôt et finit tôt !

CERNAY - PONT D'AIN (293 km) 24 août 2008

Levé à 4h, je tire ma flemme en déjeunant et pars à 4h45 avec du retard sur mon programme. La nuit est étoilée et je supporte bien jambières, veste et gants. A l'entrée de Belfort, un cycliste en coupe-vent fluo, posté au pied des fortifications, m'interpelle d'un " bonjour Max ! " en levant le bras. C'est Frederik Alberda, SARiste belfortin, qui n'a pas hésité à se lever avant l'aube pour venir à 6h du matin me guider dans une belle traversée de la citadelle. Le grès rose est encore plus beau, réchauffé par le soleil levant, et le lion de Bartholdi rugit sur sa muraille. Nous roulons encore un moment ensemble et Frederik, qui parle d'expérience, me rappelle qu' " une Diagonale n'est jamais gagnée… " " tant qu'on n'a pas le coup de tampon final " je termine. Merci de tes encouragements et de ces mots qui me tiendront tout du long.
Un peu plus loin, le brouillard m'enveloppe et me prend dans son humidité tout au long de la vallée du Doubs. Mais d'un seul coup, il se déchire en quittant Baume-les-Dames et me voici en plein soleil sur la route de Besançon. Un peu avant d'y entrer, dans une station-service désaffectée, des plateaux de fruits sont étalés. Je prends trois abricots gros comme des pommes et vais pour les faire peser à l'homme qui lave d'autres fruits. Il préfère me les donner et je les mange sur place car trop mûrs pour être transportés. Voyant mon appétit, il m'en donne trois autres qu'il a sélectionnés. Nous échangeons quelques encouragements et après avoir fait le plein d'eau fraîche, je descends sur Besançon et y pointe dans une boulangerie.
Après avoir cassé la croûte au bord du Doubs, sous la protection de la forteresse encore de Vauban, je prends la piste cyclable qui longe la rivière. Mon problème sera de la quitter au bon endroit pour rejoindre la N83 vers Arbois et Poligny. Je dois faire une marche arrière après Busy qui me coûte 4 km. Dans cette région, les villages ressemblent à ceux de Bavière avec les maisons peintes de couleurs vives et les fermes en plein village ; il y a aussi des ensembles de pavillons nouveaux, mais chez nous pas de trace de panneaux solaires alors qu'ils sont quasi obligatoires chez nos voisins. Quand va-t-on prendre en compte les énergies renouvelables ?
Tout au long de cet après-midi, la publicité pour le " Vin Fou " d'Henri Maire va me rappeler que les vignobles du Jura poussent sur des coteaux, ce que confirmera mon altimètre avec une dénivellation de 3158m pour la journée.
Je suis quand même à Pont d'Ain à 19h30 car le parcours est bien plus roulant après Lons-le-Saunier et je termine la journée dans mon tableau de marche alors que j'ai fait 19 km de plus que ma prévision. Ce n'est pas la faute de l'informatique, comme disent certains, mais de ma préparation précipitée de la feuille de route. Par un copier-coller sauvage j'ai oublié 8 km avant Château-Chalon, et en fin d'étape il faut en remettre encore 7 car j'avais prévu dans un premier jet de m'arrêter à Neuville et que finalement j'ai décidé de prolonger jusqu'à Pont d'Ain pour ne pas trop rallonger l'étape du lendemain.
L'hôtel des Alliés affiche un mot de bienvenue aux cyclotouristes, et c'est vrai que j'y dormirai bien après avoir soupé à la pizzeria d'en face.

PONT D'AIN - UZES (290 km) 25 août 2008

Pas question de commencer la journée comme hier en courant après la pendule. Je pars à 4h pétantes, mais l'estomac pas trop plein.
Ayant traversé l'Ain, je le longe à main gauche et ne le retraverse qu'à Port-Galland. Je m'arrête ensuite déjeuner à Loyettes dans un Point Chaud où deux grands cafés noirs font descendre les viennoiseries que j'engloutis ; la dame est fière de me dire que sa boutique ouvre à 5h30. Si je veux passer plus tôt une prochaine fois…
Le contournement de l'agglomération lyonnaise par Heyrieux sur la D75 n'est pas drôle, surtout à l'heure où se font les départs au travail. Tout le monde n'est donc pas en vacances fin août.

A Vienne, je traverse le Rhône pour rejoindre la N86, la route de la Flèche Pascale. Mais je le fais en passant sur la passerelle réservée aux piétons et vélos et en prenant la piste cyclable entre Rhône et N86. Une barrière de forme très sélective empêche les véhicules d'y circuler. En théorie c'est très bien, mais en pratique la première portion est très secouante et je quitte la piste dès Ampuis alors qu'elle continue bien après Condrieu.
Je vous le dis, le mistral est un gars du midi, car à 10h15, quand je pointe à Serrières, il est à peine levé et tout juste frémissant. Il devait avoir besoin de prendre des forces comme moi et de ravitailler car, dès Tournon c'est le tournant, et le voilà qui joue à me pousser. Vas-y mon grand ! Je suis content d'emmener sur cette partie qui ne me réserve pas de surprise après tant de Flèches. Ah, si c'était comme ça à Pâques… Je contrôle et ravitaille à Bourg-Saint-Andéol et repars avec plus d'une heure d'avance sur mon tableau de marche. C'est après Bagnols-sur-Cèze que je quitte la 86 et appuie à l'ouest vers Uzès. Le vent est moins amusant et, comme il y a des chevrons depuis que j'ai quitté le Rhône, mon avance croît plus lentement. Je suis à l'hôtel La Taverne à 19h05, soit 1h20 d'avance sur mon tableau défavorable.
Le dîner est très fin et original avec une soupe fraîche au melon, une sole aux petits légumes. Je compense le manque de glucides par le pain, toujours un plaisir pour un petit-fils de boulanger.

UZES - PERPIGNAN (247 km) 26 août 2008

J'avais prévu de ne partir qu'à cinq heures pour la dernière étape plus courte mais, pourquoi se mettre la pression ? D'autant que le petit-déjeuner bien complet est là sous forme d'un plateau avec une thermos. Je déjeune calmement et pars à 4h45. Je sais que dans deux heures je vais contrôler à Quissac et remettre çà. Et c'est ce qui arrive ! le vélo, ça creuse !
La route est assez facile pour rejoindre Montpellier, mais comme hier c'est à l'heure où les gens pressés sont de sortie. Ne pas se relâcher.
Pour traverser la ville, j'ai préparé sous Google Maps la liste des rues à suivre. Je sors ma feuille et la suis aveuglément, c'est le mot ! J'avais d'abord choisi de sortir par la D613 et de longer l'étang de Thau vers Mèze, puis Montagnac. J'ai ensuite changé d'avis dans ma préparation et préféré D5 et D2 par Lavérune, Pignan, Montbazin, Montagnac, mais j'ai oublié de refaire ma liste de rues pour quitter Montpellier du bon côté. Je ne réalise mon erreur qu'en sortant de la ville et me voici bon pour y rentrer, sauter de rond-point en rond-point jusqu'à retrouver mon chemin. Coût de l'opération 3 km et 20 minutes de merdouillages. L'inconvénient quand on est seul, c'est qu'il faut être assez souple pour s'envoyer des coups de pied au c… Une compensation : la D5 est doublée d'une belle piste cyclable en site propre sur une dizaine de kilomètres.
Sorti de Montagnac, je quitte la grosse D613 après le pont sur l'Hérault et entre dans Pézenas par la petite D161E3. Traversée du centre-ville où je me ravitaille à l'heure très chaude du midi et me prépare au pensum de mon parcours : la N9 par Béziers, Narbonne, Sigean. Comme le vent vient de la mer, il est trois-quarts face de la gauche, mais heureusement pas trop fort.
Entrant dans Béziers, je sors ma liste des rues à suivre, mais me perds rapidement. Sur le papier, ça doit marcher, et ça a déjà fonctionné, mais il ne faut pas la moindre faute d'attention. Suis-je un peu cuit par le soleil ? Au feu suivant, j'entends mon portable qui m'annonce un SMS. Ma dernière fille me dit : Vas-y papa ! Oui ma poule, j'y vais, mais où ?
Je sors mon pif et avance au jugé. Après un kilomètre, je reconnais un rond-point et l'itinéraire vert pour Narbonne que nous a fait suivre Jean-Marie Durand il y a deux mois dans notre Dunkerque-Perpignan. C'est l'euphorie et j'enchaîne le contournement du centre-ville. Me voici presque sorti quand l'horloge interne fait son ding-ding ! contrôle à Béziers ! juste un petit tour de pâté de maisons pour pointer à la station-service passée l'instant d'avant. Ouf, ça vaut bien un coca.
Narbonne, Sigean, c'est vraiment pas marrant sur cette N9 qui s'appelle maintenant D609, D6009, D900. Il suffit de rester à droite du pointillé ou sur lui et les voitures qui n'ont pas à faire d'écart ne sont pas dangereuses. Bien mieux qu'en tandem où nous avions fait des écarts terribles à cause d'une tramontane infernale.

Je suis quand même content de la quitter à Salses-le-Château où je poste ma carte d'arrivée. J'emprunte ensuite les petites routes testées il y a deux mois qui me font traverser des vignobles paisibles, passer Rivesaltes et entrer dans Perpignan par la D88. Il y a beaucoup de monde et d'embouteillages à cette heure de sortie du travail ; le contraste est saisissant avec le calme que j'ai connu l'heure d'avant.

Me voici au commissariat où je commence à avoir des habitudes ; trois fois en deux mois, tu peux bénéficier d'un abonnement me dira une amie !
Ce que je ne loupe pas, c'est le plaisir d'aller me doucher à l'Auberge de Jeunesse qui est dans le pâté juste derrière, aller ensuite doucement à la brasserie en face de la gare pour faire un petit repas et arroser ça avant le train de nuit.

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